« Si j’avais à choisir entre une dernière femme et une dernière cigarette, je choisirais la cigarette : on la jette plus facilement ! »
Cette situation vous dit quelque chose? Laissez-moi vous donner un indice quant à celui qui la soutient: une longue cigarette, un nez immense, une carrière magnifique et une mort désolante. Alors? Si, toujours, vous n’avez pas trouvé, il ne vous reste plus qu’une chose à faire: visionner Gainsbourg, vie héroïque.
Le film biographique, comme proposé ici, a la particularité marquante qu’il présente une histoire déjà fondée et connue. Plusieurs films de ce genre oseront une approche assez réaliste des personnages qu’ils évoquent. Joann Sfar, dans cette réalisation datant de 2010, tente tout le contraire et offre une oeuvre sensible, représentative et imagée d’un homme des plus excentriques. Pour représenter Gainsbourg, il n’aurait fallu rien de moins.
Le Paris occupé des années 40: rejeté, plutôt laid mais assez habile en dessin, le jeune Lucien Ginsburg cherche sa place dans un monde qui veut sa mort. C’est un jeune garçon qui n’a pas la langue dans sa poche et déjà, il est un grand amoureux. Les femmes, les mots, la poésie, les toiles et la musique le stimulent. Ses passions, grandissantes à en devenir envahissantes lui permettent de se tracer un chemin, et c’est en tant que pilier de la musique qu’il s’imposera, dans la même métropole qui, un jour, tenta de le faire taire. C’est l’histoire d’un père, d’un amant, d’un musicien. C’est l’histoire, touchante et souvent jugée, de Serge Gainsbourg.
Visuellement, ce film se révèle d’une originalité magistrale. Le personnage principal, interprété avec brio par Eric Elmosnino, partage l’écran avec sa Gueule, une immense mascotte animée qui le suit partout et qui se fait la représentation de son talent et de sa douleur, digne du spleen de Baudelaire. Ensemble, ils traceront ce chemin hasardeux qu’est celui de Gainsbourg, voguant entre femmes et chansons, cigarettes et mariages inutiles. Un comportement ridiculement snob, mais avant tout, une passion démentielle. Des personnalités du monde de la musique viendront enrichir cette histoire touchante, se faisant très près de la réalité et fidèles à ce que la mémoire collective raconte. Brigitte Bardot, Boris Vian, Juliette Greco ou encore Jane Birkin: ils y sont tous, à leur juste valeur et bien encrés dans leur rôle.
Évidemment, qui dit musicien dit musique. L’oeuvre de cet artiste est d’ailleurs très bien revisitée au sein de Gainsbourg, vie héroïque. Ses inspirations, ses craintes et ses amours: tout y est traité et expliqué, par l’entremise d’une trame sonore rafraichissante. Le tout est présenté de manière à mettre en lumière l’avant-gardisme d’un homme aux idées multiples et troublées, d’un peintre aux visions nouvelles et d’un poète aux mots méticuleux.
Présentant l’histoire de Lucien à Serge, de la vie à la mort, de la musique aux amourettes, Sfar offre ici un film à l’intensité exponentielle et impossible, tout à fait à l’image de l’homme qui s’y fait le plus important protagoniste. Que vous connaissiez ou non, une chose reste sûre: la musique de Gainsbourg saura vous toucher, tout comme le récit qui en découle.
Je vous préviens: vous risquez de devenir fan.
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