Tous les réalisateurs, sans la moindre exception, apposent à leurs films une griffe, une signature, qui rend ces derniers personnels et uniques en leur genre. Certains, pourtant, poussent même la chose un peu plus loin et s’aventurent dans l’exploration de différents styles, différents thèmes et différents personnages. C’est d’ailleurs le cas de Tim Burton, reconnu pour l’appel à des univers bien souvent à l’opposé les uns deux autres, tantôt très lumineux, tantôt parfaitement sombres. Récemment, c’est un mélange des deux qu’il a tenté de faire, dans le long métrage intitulé Dark Shadows. Moi-même fan de ces deux univers, je dois dire que le mixte m’a… surprise!
L’histoire débute exactement deux siècles avant les années 1970. Barnabas Collins, fils d’une famille aisée, se voit victime de ses propres charmes: sa servante, Angélique, en tombe amoureuse et lui fait bien vite sentir. Malheureusement, vous vous en doutez, le sentiment n’est pas partagé. Elle va s’en remettre, me direz-vous. Oh, c’est là que vous vous trompez: Angélique est en réalité une sorcière au sens du drame très aiguisé, et une seule solution lui vient alors en tête. Il lui faut se venger. Pour se faire, elle décide dès lors de provoquer le suicide de la fiancée de Barnabas, de transformer ce dernier en vampire et de le laisser pourrir dans un cercueil, enterré bien loin dans une forêt égarée. Par contre, voilà que sur le coup des années 1970, ce dernier est accidentellement libéré de sa prison, et se retrouve non seulement surnaturel et sans repère, mais surtout, parfaitement démodé. Il retourne dans son immense demeure et y retrouve ses descendants, tous teintés d’une touche particulièrement charmante de flower power et, de bientôt, pouvoirs tout aussi étranges et inattendus que ceux de Barnabas. Le sombre et le coloré, ces deux mondes si bien maîtrisés par Burton s’affrontent alors, pour un résultat un peu mitigé, mais tout de même fort sympathique.
Dark Shadows risque de passer plutôt inaperçu dans le parcours du cinéaste, bien qu’il ne s’agisse pas d’un mauvais film. Tout ce qu’on aime de cette mignonne tête frisée y est: ses personnages désarticulés, des arbres tordus, des friandises immenses, des couleurs exagérément présentes et, bien sûr, cette touche d’humour qui se situe entre l’étrangeté démente et l’intelligence détraquée. Pourtant, et c’est bien là que ça risque de clocher pour certains: il se peut que le mixte en agresse quelques-uns, se faisant près des limites de l’excès. Beaucoup d’informations sont présentées dans l’histoire des Collins, et le tout est accompagné d’un mélange de tons assez spectaculaire. Les fans de Burton qui portent toujours en eux leur coeur d’enfant risquent d’applaudir avec grand plaisir, les amoureux de vampires seront en manque de coins sombres et les adeptes des années 1970 trouveront que le tout manque peut-être d’un brin de peace and love. Il ne vous reste qu’à choisir votre passion entre ces trois options, ou bien de vous révéler parfaitement sain d’esprit et de sortir de Dark Shadows sans trop de misère. Mais bon, les goûts, ça ne se discute pas.
Le scénario de l’oeuvre, quant à lui, m’a un peu surprise. L’action est assez complexe et présente un nombre impressionnant de détails et d’informations qu’il faut assimiler, mais en respectant à la lettre les règles du film familial. Le réalisateur compose ici un récit très respectueux à l’égard de ses plus jeunes admirateurs, leur offrant un film s’adressant à eux mais les mettant au défi, voguant du suspense à l’amourette agréable. Les actions, comme les surprises, ne manquent pas au rendez-vous et la finale, se fait, ma foi, plus surprenante qu’on pourrait le croire!
En ce qui a trait à l’univers visuel, ce film se fait d’une grande richesse. L’utilisation des différents effets spéciaux est très bien maîtrisée, et le dosage entre les éléments visuels et scénaristiques se fait particulièrement intéressant. Certaines scènes sont à couper le souffle, d’autres font rire aux éclats et le tout, bien évidemment, s’accompagne du très charmeur et apprécié minois de Johnny Depp, duquel la performance se fait des plus rigolotes. L’univers dans lequel il est plongé lui colle très bien à la peau, et il est difficile de ne pas le prendre en pitié aux travers de ses nombreuses et tout à fait nouvelles découvertes.
Enfin, Dark Shadows s’inscrit dans cette lignée de films qu’il me fut parfaitement agréable de visionner, mais dont le titre ne prend pas une place particulière aux côtés des grands classiques qui composent ma bibliothèque de chouchous cinématographiques. Le tout est le résultat d’un travail juste et acharné, composé pour un public qui gagne à découvrir le réalisateur qui signe cette oeuvre. C’est le genre de film parfait pour un dimanche pluvieux, à visionner en famille et dont l’expérience deviendra un magnifique souvenir. Et, ces films-là, heureuse soit leur existence, puisqu’ils ont ce pouvoir magique de rendre la vie plus belle.
Aucun commentaire