Laissez-moi vous présenter Toni Musulin. Si vous ne le connaissez pas, sachez que ce criminel français a réussi à dérober la somme de 11.6 millions d’euros au gouvernement, et ce, sans aucune trace de violence et d’implication criminelle (mis à part le vol en lui-même, bien entendu). Comment a-t-il fait, vous me demanderez? C’est bien simple. Cet ancien convoyeur de fonds a tout simplement décidé, par une journée comme les autres, de détourner le camion qu’il conduisait, véhicule contenant l’importante somme d’argent en question. Cependant, la véritable question est de savoir pourquoi Toni Musulin a-t-il décidé de commettre cet acte qui changea le cours de sa vie? C’est à cette question que Philippe Godeau tentera de répondre dans son nouveau film 11.6.
C’est l’excellent François Cluzet qui tient le rôle de Musulin dans 11.6. L’acteur, que l’on a pu voir récemment dans Les intouchables, reprend toutes ses capacités physiques dans le film de Godeau. L’histoire est en effet centrée sur le personnage de Musulin, qui est la personne la plus irréprochable qui puisse exister. En effet, il a une vie de couple relativement stable, il n’arrive jamais en retard au travail, il ne demande rien à personne. Malheureusement, vient un moment dans la vie de ce personnage, une période de remise en question, qui la fera basculer de A à Z. Il découvrira qu’il n’aime pas réellement sa compagne, que son patron l’exploite depuis plusieurs années, que son travail ne le convient pas… Et que faire lorsque telle situation se produit? Il faut courir après le changement. Et voilà donc une bonne raison pour s’acheter une nouvelle voiture dispendieuse. J’oubliais : cela peut aussi motiver un coup de tête de 11.6 millions.
L’histoire en elle-même n’est vraiment pas mauvaise. L’idée de dresser le portrait d’un criminel célèbre (en Europe, en tout cas) et de donner une justification à ses actes est très valable. Malheureusement, le principal problème de 11.6 réside en le manque d’action flagrant de son scénario. Et quand je parle d’action, je ne fais pas allusion à des explosions ou des poursuites policières endiablées. Il se trouve tout simplement que, du début à la fin du film, tout est mis en place pour justifier le vol final (vol dont nous sommes tenus au courant dès le début du film). Il n’y aura donc aucune chute, aucune surprise. Mais beaucoup de déception.
Mais d’où vient l’ennui que nous procure 11.6? Certainement pas des acteurs, qui livrent une très belle interprétation de leurs personnages respectifs. Tout d’abord, François Cluzet, le premier rôle, rend le personnage de Musulin réellement attachant, à tel point que le vol d’11.6 millions de dollars en est presque crédible et normal. Et Cluzet est entouré par une brochette de merveilleux acteurs (Bouli Lanners et Corinne Masiero, entres autres) qui, de par leur jeu très précis et d’une très belle justesse (leur jeu français, finalement), propulsent le protagoniste vers une interprétation de grand talent.
La réalisation, elle aussi, n’a rien à se reprocher. Elle n’est ni excentrique, ni trop sobre. On sent bien une petite signature du réalisateur dans le choix de sa bande sonore très éclatée, ses plans de vue souvent visuellement remarquables (Des plans de paysages ahurissants motivés par le protagoniste qui défile sur les routes européennes à bord de sa Ferrari rouge… à en faire baver).
Ce véhicule occupe d’ailleurs une place importante dans le film. C’est en effet au volant de sa Ferrari que le personnage de Musulin réalisera ses véritables motivations, ce qui l’allume. C’est l’achat du véhicule de luxe qui changera le personnage à tout jamais. L’utilisation d’une Ferrari rouge comme symbole du pouvoir auquel le protagoniste n’est pas familier (et qui aboutira au vol d’11.6 millions, il faut le rappeler) est un choix très judicieux du réalisateur.
Oui, le film possède de très beaux éléments, mais est-ce qu’ils sont tous inspirés de la réalité? Selon le film, le scénario est inspiré de la vie réelle. En vérité, Agnès de Sacy, la scénariste, ainsi que le réalisateur, ont mené une enquête approfondie sur la vie de Musulin. Ils ont aussi emprunté quelques éléments de l’intrigue au livre d’Alice Géraud-Arfi, Toni 11.6, afin de bonifier le scénario. C’est donc dire que les faits relatés dans le film ne sont pas entièrement vrais, mais que l’histoire est tout de même documentée est crédible.
Nous avons donc droit à un bon scénario de base. Certes, les personnages sont beaucoup trop caricaturaux, et certaines scènes sont beaucoup moins utiles, mais en général, il s’agit tout de même d’un bon travail de scénariste. Le problème majeur du film est tout simplement son intention : cerner les motivations poussant un homme à commettre un tel crime est intéressant, mais lorsqu’il s’agit d’un crime totalement non-violent et impliquant aucune scène marquante, l’intérêt du spectateur en prend un grand coup. Et lorsqu’on sait la fin d’un film dès son début, on aimerait être surpris à la toute fin. Malheureusement, ce n’est pas le cas de 11.6.
L’équipe d’11.6 a voulu nous faire comprendre l’intériorité d’un personnage pour mieux expliquer son geste. Mais peut-être qu’elle aurait eu avantage à écouter les sages paroles d’Yvon Deschamps : «On veut pas l’savoir, on veut l’voir!»
Crédit Photo : Remstar Corp
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