À chemin entre l’horreur et la science-fiction, entre le huis-clos et le suspense, Vivarium, de Lorcan Finnegan, est un film basé d’abord sur une prémisse simple, un concept formel original, réalisé sans prétention et avec beaucoup de folie. Même si le résultat final n’exploite pas réellement la plénitude du potentiel auquel on aurait pu s’attendre avec son concept, il s’agit quand même d’un bon film à analyser malgré sa simplicité.
On y suit Gemma (Imogen Poots) et Tom (Jesse Eisenberg), présentés dès le début du film comme un jeune couple vivant une existence joviale et déjà associée symboliquement à celle d’un couple-modèle de l’american dream : elle est enseignante au primaire, et lui s’occupe d’entretien paysager et de d’autres travaux manuels. On reconnaît tout de suite en eux l’image classique des futurs parents, qui seront bientôt assaillis par les grandes questions de l’existence auxquelles tout le monde doit faire face : quel est l’avenir qui nous appartient ? Ce questionnement prendra place plutôt drastiquement alors que le couple, à la recherche d’une maison où s’établir, tombera sur un nouveau développement résidentiel aux allures inusitées.
Toutes les maisons y sont complètement identiques, d’un vert uni placardé sur tous les murs, meubles et accessoires paysagers. Les rues sont labyrinthiques, personne n’est dehors, tout a l’air complètement surréel. On se demandera rapidement pourquoi le couple n’a aucune conscience du danger, alors qu’ils pénétreront dans le quartier pour visiter l’une des maisons en compagnie de l’agent immobilier le plus inquiétant de l’histoire de l’humanité. La naïveté du duo Gemma/Tom, presqu’irritante par moments, sera présente du début à la fin du film, alors que les victimes de ce qui se révélera finalement être un énorme vivarium à humains, est ce qui ralentit le plus l’avancée du scénario, qui pourrait être complètement aliénant si ce n’était de la stupidité parfois ridicule de ses protagonistes.
Bien vite, le couple réalisera qu’il est pris au piège dans cet univers étrange. Leur sìtuation de prisonniers ne deviendra que plus officielle lorsqu’un colis contenant un bébé leur arrivera à la porte : s’ils élèvent l’enfant, ils auront apparemment une chance de sortir de cet enfer.
C’est à ce moment, qui est accompagné d’une ellipse de plusieurs mois, qu’on comprend que le couple ne cherche plus à sortir de sa prison à tout prix. Ils se sont conditionnés à leur situation, et élèvent ensemble l’enfant le plus étrange et inhumain auxquels ils auraient pu s’imaginer : vieillissant beaucoup plus rapidement que la normale, adoptant frénétiquement les comportements de ses parents, les poussant à la folie, l’enfant représente rapidement cette vie de banlieue, cordée et bien droite, dont les personnages sont prisonniers. Cette propension des jeunes parents à accepter leur sort, d’abord irritante, se calque bien vite à l’effroi d’une vie bien rangée, monotone et routinière, qu’on associe souvent à ce fameux american dream tournant au cauchemar. Vivarium se veut une représentation horrifique de cette cage qu’on peut avoir peur d’habiter, ce saut dans une vie plus convenue dans lequel un jeune couple peut avoir envie de se projeter. Bien sûr, le film accentue l’aspect horrifique et abject de cette sorte de vie simulée, allant jusqu’à une apothéose d’obsessions, folies et éventuellement destruction du couple. Mais le tout part de cette peur bien viscérale de s’établir, d’être exactement comme les autres.
D’un point de vue formel, il est difficile de ne pas faire la comparaison entre Vivarium et d’autres récits méta tels que The Truman Show, où les personnages habitent une sorte de simulation de la réalité et ne sont finalement que les sujets d’observation d’une entité supérieure. Mais contrairement à d’autres œuvres classiques, les personnages de Vivarium ne tentent pas réellement de se sortir de leur situation, si bien que les ressorts dramatiques du film ne tourneront pas réellement autour de la compréhension de cet univers. Ceci n’est finalement qu’un prétexte pour assister à la destruction, en accéléré, d’un couple d’abord montré comme idéal, mais qui ne peut résister au passage du temps et à la pression de la vie adulte. L’univers fonctionne bien, et bien qu’on aurait apprécié que les personnages soient plus réalistes, qu’ils mettent plus d’énergie à se sortir de leur situation, qu’ils soient moins unilatéraux, on constate quand même que leur détachement cadre parfaitement avec l’angoisse du rêve américain représentée par le film.
Partant d'une prémisse intéressante, Vivarium réussit à bien représenter l'angoisse d'une vie de banlieue, bien rangée, un American Dream qui tourne rapidement au cauchemar. On aurait souhaité des personnages plus dynamiques et avec plus de profondeur, mais le résultat donne tout de même un aspect symbolique qui fonctionne bien tout au long du film.