Jeudi soir. Je me dirige vers mon cinéma près de chez moi, n’ayant pas une idée claire de ce que je viens regarder. Mes yeux se posent sur l’affiche de It Must Be Heaven (C’est ça le paradis?), un film d’Elia Suleiman. Ne connaissant pas ce cinéaste, je tente le coup et découvre un premier film de lui.
Quelle belle surprise ce fut! Wow, j’y ai découvert une comédie burlesque très intelligente, limite intellectuelle, où un Elia Suleiman calme, posé et (surtout muet!) commence un périple à Nazareth, le continue à Paris et le termine à New York pour revenir dans sa Palestine d’origine. En se cherchant une nouvelle terre d’accueil, il se rend compte que la Palestine qu’il tentait de fuir, et surtout les conflits qui l’accompagnent, le suit partout. Que ce soit dans les scènes banales du quotidien ou dans celles plus chorégraphiées, un petit quelque chose vient indéniablement lui évoquer sa patrie.
Il se faisait attendre ce Elia Suleiman. En effet, 10 ans après la sortie de son dernier film, Le Temps Qu’il Reste, Cannes était bien fière de présenter son récent long-métrage, qui on sent a eu la force d’évoluer et de cheminer à travers ces années de pause.
D’emblée, c’est audacieux de mettre un personnage principal qui ne dira pas un mot de tout le film et pourtant, c’est pari réussi. C’est ce qui fait entre autres la force de son film : sa mise en scène. Parce que, ce que l’on voit à l’écran, c’est ce que Suleiman voit. On voit un réalisateur parfaitement centré dans son cadre qui observe les gens autour de lui. On voit un personnage principal passif qui contemple au lieu d’agir. Autant il est constamment devant la caméra, parce qu’on ne voit que lui, autant on ressent son âme qui la dirige. Il est omniprésent! Avec l’utilisation de plans subjectifs à sa vision lors de scènes de dialogues on se sent réellement dans sa peau.
Le réalisateur brise souvent le quatrième mur (que ce soit avec des personnages qui regardent directement dans la caméra où d’autres qui commentent le film qu’on est en train de regarder). Sans nécessairement nous enfoncer son idée préconçue en gorge, cela rend son film ultra immersif dans sa démarche artistique et dans les intentions qu’il tente de donner à sa comédie.
Parce que c’est ce qui est réussit avec sa comédie : avec un seul plan, une seule image, un seul bruitage (car il faut souligner la beauté du son dans ce film), il parvient à nous transmettre tout le bagage émotionnel et identitaire qu’il transporte avec lui dans son périple. Une scène anodine du quotidien devient soudainement véhicule de message identitaire. Pensons à la scène cocasse dans un parc à Paris où tous se volent les chaises où d’autres tentent de s’y asseoir qui rappelle fortement le conflit israëlo-palestien, mais de façon comique. Et ce n’est pas lourd, parce qu’on rit de ces scènes burlesques, mais lorsqu’on les analyse, elles nous évoquent un message politique qui est fort.
Mais il faut se le dire. Malgré qu’il y a des scènes qui sont lourdes de sens, il se peut qu’il y en ait d’autres dont on ne réussisse pas tout le temps à décoder leur essence. On ne comprend pas toujours ce que le cinéaste a voulu évoquer comme message à travers ses images. Est-ce une faiblesse au film? C’est discutable. Au final, c’est au spectateur de décider ce que ces images lui évoque. Si l’interprétation qu’il en ressort diverge des intentions du réalisateur, c’est encore mieux, non?
Bref, Elia Suleiman signe un long-métrage très fort en symboles et en images où on peut y reconnaitre quelques visages familiers dont un caméo de la productrice Nancy Grant dans un rôle (eh oui!) de productrice. De plus, par soucis de tournage, certaines scènes new-yorkaises ont été filmées à Montréal. Les plus perspicaces auront reconnu le parc Lafontaine dans le rôle du célèbre Central Park!
https://www.youtube.com/watch?v=RYSKzDiUGdk
Présentement disponible dans plusieurs cinémas au Québec
Crédits images : IMDB & Allociné
Une oeuvre où les magnifiques paysages autant urbains que ruraux évoquent des messages politiques forts et où d'autres nous laissent en questionnement!